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Un petit « gone » dans la banlieue lyonnaise
Il aura fallu l’autorisation du Pape Léon XIII et du Président de la République, Emile Loubet, pour que M. Ferréol, cabaretier de son état, puisse épouser la fille de sa propre sœur et qu’ainsi soit légalement enregistrée la naissance de leur fils, le petit Marcel, le 5 juillet 1900 à la mairie de Sainte-Foy les Lyon (Rhône). Ainsi l’enfant a-t-il pour grand-père son arrière-grand-père, pour père son oncle, et pour mère sa cousine germaine. Entrée cocasse sur la scène de la Vie.
Dès son plus jeune âge, Marcel est un imaginatif. Il se raconte des histoires rocambolesques et en fait profiter les clients de son père et ses petits camarades de l’école maternelle. Après avoir appris à lire il se jette sur les romans de cape et d’épée. A dix ans, s’inspirant d’A.Dumas, il écrit un drame Henri d’Auvergne, resté inachevé par faute de combattants. Dès le deuxième acte, les héros s’étaient mutuellement massacrés.
Marcel est un bon élève. M. Ferreol décide donc que son rejeton fera des études pour devenir un Monsieur. Son Certificat d’Études en poche l’adolescent est inscrit au collège Rollin de Calluire.
À quinze ans, pour épater ses camarades, Marcel se prétend auteur dramatique, il présente un spectacle de guignol intitulé Tatruffe qui se voudrait une parodie de Molière. Puis viennent un drame: L’Innocent du village, une opérette, La dernière Bohème et enfin une pièce en vers, Cadet Roussel. Les professeurs et les parents d’élèves lui font un triomphe. Tout en préparant son baccalauréat, obtenu sans difficulté, Marcel écrit une bonne douzaine de comédies que les directeurs des théâtres lyonnais refusent systématiquement. L’auteur en herbe ne se décourage pas. En attendant d’être joué, il accepte les postes de surveillant et répétiteur d’anglais dans son cher collège de Calluire.
Après avoir cherché pendant des jours la solution du succès, Euréka! un beau matin il la trouve: un auteur dramatique doit savoir jouer la comédie. Marcel tente donc l’entrée au Conservatoire de Lyon. Lors du concours, il choisit la scène la plus spectaculaire qui soit: la mort de Cyrano de Bergerac. Après que l’appariteur eut annoncé son nom aux membres du jury, Marcel entre en scène possédé par une émotion intense, un lyrisme dévorant. Il se veut sublime. Malheureusement, il ne se méfie pas de sa maudite myopie et à la dernière réplique :
« Ne me soutenez pas , Personne. Rien que l’arbre ».
Dans un geste large, il rate le tronc et cherchant à se rattraper au portant, il gifle Roxane puis tombe à la renverse. Fou rire de la salle. C’en est fini du Conservatoire.
Il lui faut tout reprendre de zéro et commencer par se choisir un nom qui lui apportera la gloire. Il devient Marcel Achard. Sous ce nouveau patronyme il décroche un engagement dans la tournée régionale de Tire au Flanc de Mouezi Eon. Il donne alors la réplique au célèbre comique troupier Bach. Il parvient ensuite à faire jouer un acte de sa composition, Minuit dix, lors de deux représentations d’amateurs au Casino de Lyon. Un essai pour rien.
Une fois encore il ne se laisse pas démoraliser. Au contraire, le temps lui semble venu d’attaquer la capitale. Il débarque à Paris le 13 décembre 1918. Jour de liesse pour les Parisiens qui fêtent la venue officielle du Président Wilson.
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