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Le « rose » et le « noir »

Pierre FRESNAY, qui avait créé Le Voyageur sans bagages appréciait particulièrement le talent d’ANOUILH, et c’est tout naturellement qu’il accueille Léocadia au théâtre de la Michodière, qu’il dirigeait avec Victor BOUCHER et Yvonne PRINTEMPS (sans toutefois se prévaloir du titre de directeur, la patronne était très pointilleuse sur ce sujet). Ces trois comédiens interpréteront d’ailleurs les rôles principaux de la comédie créée le 30 novembre 1940. C’est une pièce « rose ». Un prince et une célèbre cantatrice qui s’adoraient ne connurent que trois jours de bonheur, la cantatrice mourût étranglée accidentellement par son écharpe. (ANOUILH s’est sans doute inspiré de l’accident identique survenu à la danseuse Isadora DUNCAN, étranglée par son écharpe coincée dans la roue de son automobile). Le prince dépense alors une fortune pour reconstituer, dans le parc de son château, le décor de sa brève idylle. Il engage des comparses qui joueront les rôles des personnages croisés lors de son aventure, notamment Amanda qui jouera le rôle de la cantatrice, à laquelle elle ressemble beaucoup. Mais Amanda se prendra au jeu et deviendra amoureuse du prince. Elle veut néanmoins être aimée pour elle-même et non en raison d’une ressemblance. Elle parviendra à faire oublier au prince le souvenir de sa cantatrice. La critique est, dans l’ensemble excellente: « Il est difficile de dire avec quelle grâce exquise, avec quelle poésie cette histoire nous est proposée » (Roger SARDOU - Les Nouveaux Temps). « Jean ANOUILH a construit la pièce avec adresse. Il est le seul à pouvoir réussir ces jeux de funambule. Il apporte ainsi une formule neuve, d’un accent très personnel, et d’une recherche curieuse » (Yvan NOVY - Une Semaine à Paris). Dans les pièces roses, le théâtre l’emporte sur la vie. Quand on sait à quel point ANOUILH est désabusé, on peut penser que, pour l’auteur, cet optimisme est de façade.

La même année, ANOUILH remet à BARSACQ Le Rendez-vous de Senlis. L’auteur a classé la comédie dans les pièces roses, mais André BARSACQ remarque : « Dans cette pièce, le rose et le noir commençaient déjà à entremêler leurs couleurs ». 1

On peut donc considérer Le Rendez-vous de Senlis comme une pièce-charnière, car trois pièces noires vont lui succéder. On ne retrouvera le rose qu’en 1947 avec L’Invitation au Château.

Dans Le Rendez-vous de Senlis, Georges, pour conquérir Isabelle, s’est inventé une famille qu’il lui présentera. Pour cela, il loue une vieille maison de province et engage des acteurs professionnels qui interpréteront le rôle de ses parents et celui du maître d’hôtel. C’est le même procédé utilisé dans Léocadia, la pièce précédente. Les frais extravagants de cette mise en scène pourront être facilement réglés car Georges, qui est marié, a épousé une femme très riche. Quand Isabelle apparaîtra, nous saurons qu’elle est au courant de la supercherie, ayant tout appris par les acteurs. Georges ignore qu’elle sait. Isabelle, étant la pureté même, cette vérité glisse sur elle, et elle procédera à la régénération de l’homme qu’elle aime. Le succès est au rendez-vous et la pièce se jouera 177 fois, événement assez rare pour l’époque.

1André BARSACQ 50 ans de théâtre Editions Bibliothèque Nationale.

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