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Ardèle inaugure les pièces « grinçantes »

C’est à la Comédie des Champs-Élysées qu’Ardèle ou la Marguerite, qualifiée par son auteur de « pièce grinçante » sera représentée le 4 novembre 1948, précédée d’un impromptu du même auteur Épisode de la vie d’un auteur. Ardèle conte les désordres respectifs de divers protagonistes, le Général Saintpé, dont la femme est devenue folle d’amour et de jalousie, Ada, la femme de chambre qu’il paie pour la caresser la conscience tranquille, jusqu’au jour où Maxime, son fils aîné, épouse Nathalie, une orpheline pauvre qui passait chaque année ses vacances au château, sa sœur Ardèle (qui, telle l’Arlésienne, n’apparaîtra jamais) qui est bossue et maîtresse d’un autre bossu, sa sœur Liliane, son mari le Comte et leur fils cadet Nicolas, qui est à Saint-Cyr, Hector de Villardieu, amant de la comtesse. Nicolas qui n’avait, depuis deux ans, jamais remis les pieds au château, ne revient que pour accuser Nathalie qu’il aime depuis leurs vacances d’enfants, d’avoir épousé son frère. Le dérèglement de ces personnages va s’entrelacer cocassement avec les désordres de tante Ardèle et de son bossu. La pièce connaîtra un grand succès. Elle sera en outre le début d'une longue collaboration entre Jean ANOUILH et son décorateur atitré Jean-Denis MALCLES. Ardèle ou la Marguerite sera reprise, dans le même théâtre, en mai 51 et en juillet 58. La critique est unanimement excellente. « Ardèle est le chef d’œuvre de Jean ANOUILH » (René BARJAVEL - Carrefour). À la reprise en 58, c’est Catherine ANOUILH, la fille de Monelle VALENTIN, qui interprétera Nathalie.

De la Comédie des Champs-Élysées, ANOUILH passera à Marigny où la Compagnie RENAUD-BARRAULT présentera La Répétition ou l’amour puni le 25 octobre 1950.

Cette pièce « brillante » fut présentée en première à un public mondain, qui détestât le spectacle et lui réserva un accueil glacial. Les mondains, les snobs, se reconnaissaient-ils dans les personnages ? Le bruit courut alors dans Paris que la pièce était détestable. Quelques jours après, la tendance est totalement inversée, et le public de la générale fait un véritable triomphe au spectacle. C’est l’histoire d’un Comte qui a reçu en héritage d’une vieille tante un château, à condition d’y élever douze orphelins. Pour cette tâche difficile, il a engagé une jeune fille pauvre et pure, Lucile, dont les vingt ans l’attirent. Il organise au château une représentation de la Double inconstance de MARIVAUX. Il sera le prince et Lucile, Sylvia. Les acteurs-amateurs sont tous des mondains désabusés. Pendant les répétitions, ceux-ci sont effrayés par l’amour possible du héros, Tigre, pour Lucile. Les tensions s’exaspèrent très vite à la mesure de l’intérêt amoureux que Tigre manifeste pour Lucile. Le théâtre et la vie vont curieusement interférer.

La pièce sera reprise au théâtre Edouard VII le 20 mars 1986.

Le nombre de pièces de Jean ANOUILH rend impossible de les analyser toutes dans un tel ouvrage. On en trouvera la liste à la fin de cette courte biographie, ainsi que le résumé et les critiques de Colombe, créée le 11 février 1951 à l’Atelier, Pauvre Bitos créée le 22 octobre 1956 au théâtre Montparnasse, et Beckett, créée le 8 octobre 1959 au même théâtre.

Il convient néanmoins de signaler, parmi les œuvres les plus importantes : L’Alouette, créée le 14 novembre 1953 au théâtre Montparnasse. L’histoire de Jeanne d’Arc revue par ANOUILH, débarrassée des alexandrins et des sentences pompeuses. Une Jeanne, robuste et fière fille de Lorraine, qui parle avec des mots simples, d’une voix claire et gaillarde, petite paysanne entêtée et astucieuse, héroïne inspirée, familière et inoubliable.

Cher Antoine, créé le 18 octobre 1969 à la Comédie des Champs-Élysées.
Une pièce qui a été considérée comme le testament de l’auteur. Elle met en effet en scène un auteur dramatique qui, avant de mourir, a convoqué tous les personnages de sa vie à l’ouverture de son testament, sa première femme, tragédienne célèbre de la Comédie Française, sa dernière jeune femme, une de ses maîtresses, et des amis de toujours, l’un médecin, l’autre faux jeton, qui est critique. L’action se situe en Bavière dans un lieu inaccessible, où tous sont bloqués par une avalanche.

Les Poissons rouges, créé le 21 janvier 1970 au théâtre de l’Œuvre.
Pièce pratiquement à sketches, dont le personnage principal, Antoine de Saint-Flour, assure l’unité. Elle conte, depuis leur prime jeunesse, les rapports entre Antoine et La Surette, son copain de classe, pauvre, poussif et râleur, qu’Antoine protège. Plus Antoine étendra ses bienfaits, plus La Surette en éprouvera de haine. Mais Antoine, généreux, continue de protéger son copain, comme il accepte gaiement que sa femme et sa maîtresse ne pensent qu’à le voir disparaître.


Pauvre Bitos provoque un scandale

Et il est important de se pencher tout particulièrement sur Pauvre Bitos, en raison de l’énorme polémique suscitée par la pièce, dont la générale fut effroyable. « Un silence gluant de haine régnait dans la salle… À la sortie, tout tourne à la fureur… des jeunes gens donnaient des coups de poing et des coups de pieds dans ma voiture. Il paraît que les critiques se réunirent sur la place devant le théâtre, pour un colloque semblable à celui des sorcières de Macbeth et jugèrent sévèrement cette horrible soirée… La presse fut, comme on dit, unanime (lire critiques plus loin). Je fus même, innocemment j’espère, responsable de la mort d’un critique d’extrême gauche. Il hurlait, à la fin, debout, dos à la rampe, qu’il fallait casser les fauteuils et que, s’ils étaient des hommes, ils devaient monter dans les loges pour me casser aussi la figure. Son indignation était surtout politique, mais tout de même, il faut croire qu’il n’y avait pas d’hommes ce soir-là dans la salle car personne ne montât. En arrivant, écumant encore de fureur, devant chez Lipp où il devait souper, un automobiliste plus rapide que lui, lui prit la place qu’il guignait. Il ouvrit sa portière, se précipita sur lui, hurlant des insultes, et soudain, mon critique s’écroula sur le trottoir, victime d’une crise cardiaque. Je me suis toujours dit, lâchement, que c’était la faute de l’automobiliste resquilleur ». 1

La pièce s’est jouée un an et demi « à bureaux fermés » devant un public toujours enthousiaste. La critique, lors de la reprise de la pièce en 1967, sera toute différente de celle de 1951. Onze ans se sont écoulés, les passions se sont émoussées, le temps a fait son œuvre, et l’énorme succès de la pièce a remis les pendules à l’heure.

1 Jean ANOUILH " La vicomtesse d’Esristal… "

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