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Une nouvelle conception théâtrale
Dans le cadre de l’Eurovision. la direction de TF1 a fait appel à son talent et lui a signé un contrat pour participer à une fiction dramatique, réunissant dix sept réalisateurs de pays différents Pitchi Poï ou La Parole donnée. En quête de son personnage - une femme juive qui, après la guerre, recherche sa fille disparue - , Billetdoux parcourt l’Europe en « commis voyageur ». Lors d’une interview à Jean Chalon, il prophétise: « Je ne prétends plus être auteur, mais un coéquipier d’une œuvre collective. Ce n’est plus en Eurovision qu’il faut penser mais en Mondovision. Il faudra bientôt que les écrivains comptent avec le langage nouveau, c’est-à-dire qu’ils apprennent à penser international ».
Festival d’ Avignon 1967, Antoine Bourseiller met en scène une évocation du mythe d’Orphée, Silence l’arbre remue encore avec Serge Reggiani dans le rôle d’un menuisier savoyard en lutte contre lui-même. François est péremptoire, cette pièce sera la dernière. Il n’écrira plus pour le théâtre, c’est bien fini. Serment d’ivrogne: Six mois plus tard, le 12 décembre, le théâtre municipal d’Aix en Provence affiche Bien amicalement d’un certain Billetdoux que l’on n’a pas oublié
Rangeant ses papiers, François retrouve le manuscrit du jeu théâtral, créé au festival de Spolète en l’été 1968. Le sujet lui paraît intéressant. Initialement la pièce durait cinquante cinq minutes et ne comprenait que trois rôles. Billetdoux allonge la sauce, mais en garde le principe : sept personnages, placés devant sept portes, symbolisant sept lieux différents, n’ont aucun rapport entre eux soliloquent et se débattent chacun dans une situation dramatique particulière. Le spectateur est libre de choisir, d’écouter l’un ou l’autre personnage, sans se préoccuper de son voisin, comme dans la vie. Cette « expérimentation d’études scénique » est programmée tout d’abord au Montparnasse, mais le théâtre tient le succès des Quatre Saisons d’Arnod Wesker et le directeur M. Lars Schmidt refuse de l’interrompre. C’est alors qu’intervient Marie Bell, nouvelle directrice du Gymnase. Elle aime les œuvres de Billetdoux et se réjouit d’en monter une. Le spectacle au titre insolite de 7 + Quoi fut accueilli « par une salve d’insultes et de coups de sifflets. On se demanda même à l’entracte si on n’allait pas rembourser. Rarement de mémoire de parisiens pièce n’avait suscité pareille consternation ». Le spectacle fut joué deux fois. D’un commun accord, l’auteur et le metteur en scène, M. Cacoyannis, mettent fin au massacre en déclarant à la presse : « L’ouvrage ne convient pas au public habituel de cette salle, nous allons chercher une nouvelle salle... ». En réalité la pièce ne fut jamais reprise.
Cet échec ne décourage pas Billetdoux dans ses recherches de nouvelles approches théâtrales. Il prépare pour le Festival de Vaison la Romaine, un divertissement sur le thème de la Paix universelle : « Quelqu’un devrait faire quelque chose » au cours duquel les spectateurs sont appelés à collaborer au déroulement du spectacle : « Il faut échapper déclare-t-il au cours d’une conférence, à la muséographie en invitant spectateurs et écrivains, à participer aux émotions scéniques de notre temps ».
En Novembre 1970, le théâtre de l’Odéon accueille pour six représentations, trois auteurs dit d’avant garde Romain Weingarten, Roland Dubillard et François Billetdoux . Ce dernier présente Femmes Parallèles : trois monologues, écrits séparément, mais joués simultanément. Les comédiennes, Denis Gence, Catherine Samie et Christine Fersen interprètent les rôles de ces trois femmes, aussi prisonnières que l’étaient les filles de La Maison de Bernarda de Federico Garcia Lorca. Toutes trois ne cessent de rêver à un hypothétique amant. Toutes trois sont impuissantes à assumer leur destin.
Le Figaro Littéraire 30 octobre 1967
Paris-Presse 28 janvier 1969
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