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Première tentative d’auteurs dramatiques

À plusieurs reprises, au cours des années - le théâtre lui manquant peut-être - , Maurice Lasaygues aurait aimé écrire une comédie. Jean-Jacques Bricaire, fréquentant chaque jours des auteurs dramatiques et une connaissant leurs difficultés , n’était pas très favorable jusqu’au jour où, en août 1967, ils découvrirent, dans France-Soir, un fait divers inédit se passant en Argentine : un homme avait changé sept fois d’identité pour se remarier, laissant à chaque « veuve » une assurance-vie, façon de se montrer gentleman. Outre que le sujet était original, l’assureur Lasaygues avait de quoi s’exprimer. Et c’est ainsi que les deux compères se mirent à l’ouvrage : Après avoir simulé deux noyades, le beau Christian organisait sa troisième fugue lorsque le destin frappa à sa porte sous les traits d’un ancien ami qui l’avait identifié grâce à une photo dans un magazine de pêche … Catastrophe ! La comédie terminée il fallut lui trouver un titre, ce fut  Le Grand Zèbre signé d’un nom d’emprunt : Jean-Maurice Lasbry.

Écrire une pièce est une affaire, la faire jouer en est une autre. Après plusieurs démarches infructueuses, Le Grand Zèbre fut affiché au fronton du Théâtre des Variétés. Le directeur, Denis Maurey, prédisait un triomphe. Après trois soirées richement applaudies, la répétition générale fut un fiasco, suivi d’une presse assez détestable :  « C’est très difficile de faire un vaudeville et encore plus de le réussir. Feydeau ne court pas les rues… Ne parlons plus de ce Grand Zèbre et n’y pensons plus puisqu’il sera rayé… de nos souvenirs » 1, « Non vraiment ce vaudeville est si bête, si ennuyeux, si dépourvu d’esprit, que je n’ai même pas le peu de courage qu’il faudrait pour en raconter l’intrigue ». 2

Après quelques jours de représentations devant des salles aux trois quarts vides, les auteurs décidèrent de réécrire entièrement le premier acte et de couper dix minutes dans le deuxième. Mais le mal était fait. Néanmoins, leur honneur fut sauf : les évènements de mai 1968 obligèrent les directeurs à fermer leurs salles de spectacles. Denis Maurey comme les autres baissa son rideau de fer.

Alors que nos deux débutants auteurs croyaient leur carrière morte à jamais, une après-midi Bricaire reçut un coup de téléphone d’un de ses auteurs dramatiques préférés, Jacques Deval, qui le priait de venir le voir accompagné de son acolyte Lasaygues. Deval se doutait que, découragés, les deux amis allaient laisser tomber leurs plumes. Et c’était pour cela qu’il voulait les rencontrer. Il était persuadé d’avoir découvert en eux de véritables auteurs de talent et leur demandait instamment de se remettre au travail le plus vite possible. Éblouis et superbement heureux, les deux complices totalement ragaillardis se mirent à la recherche d’ un nouveau sujet.

Il était écrit que la carrière du duo Bricaire-Lasaygues s’ouvrirait sur de longues années plus ou moins difficiles.

La peine de mort n’étant pas encore abolie en France ils envisagèrent une comédie sur ce thème. Elle s’intitulerait  : Les Dossiers de la Présidente. En vue de contrer son époux, Président d’Assises impitoyable, une femme de caractère décide avec l’aide de sa gouvernante et d’un vieux flic à la retraite de faire innocenter un pauvre malheureux. Le plan de leur pièce terminé, les deux amis cherchent à rencontrer Denise Grey, comédienne chevronnée et de grand talent, et lui exposent leur projet. Elle trouve l’idée merveilleuse et se voit déjà incarner l’héroïne. Les auteurs s’activent, et lui soumettent scène après scène suivant l’évolution de leur travail. Tout est parfait. Et voilà que Denise Grey, après avoir juré qu’elle ne partirait pas en tournée avec Quarante Carats 3 , spectacle dans lequel elle avait eu un gros succès, change d’avis et demande d’attendre son retour. Bien évidemment, le directeur des Nouveauté affiche un autre spectacle. Lors du retour à Paris de l’actrice, Robert Thomas, alors directeur du Théâtre Édouard VII, organise une lecture de la pièce avec quelques comédiens. Les deux auteurs sont présents ; malheureusement au fur et à mesure que le temps passe la pièce apparaît injouable, c’est une catastrophe. Après un clin d’œil à son partenaire, Jean-Jacques Bricaire arrête le massacre et rend leurs paroles à Robert Thomas, à Denise Grey et aux autres comédiens. Sans grand espoir, une nouvelle tentative aura lieu avec Suzy Delair comme vedette, mais une histoire de gros sous mettra fin à toute réalisation.

Depuis 1966, Pierre Sabbagh, directeur de l’O.R.T.F. 4 avait conclu un arrangement avec la direction du Théâtre Marigny pour enregistrer et diffuser une émission dramatique : Au Théâtre ce soir le vendredi à 20h 30, vingt-sept fois dans l’année. Jean-Jacques Bricaire est chargé de la programmation. L’occasion est belle de remonter Le Grand Zèbre qui pourrait alors être présenté à des millions de téléspectateurs… Les deux amis hésitent. Puis grâce aux encouragements réitérés de Jacques Deval, ils se remettent au travail en commençant par changer le titre : Le Grand Zèbre deviendra Rappelez moi votre nom. Une coupure par-ci, quelques répliques supplémentaires par là, et la comédie est prête à passer sur le petit écran un vendredi soir d’avril 1969. Cette fois le succès répond à l’attente de ses signataires. On peut lire, dans le magazine Télé 7 Jours, sous la signature de Guillaume Hanoteau : «  Pourquoi Rappelez-moi votre nom n’a-t-il pas été joué mille fois au Théâtre des Variétés où ce vaudeville a été créé sous le nom du Grand Zebre ? Toujours est-il que les rires de Au Théâtre ce Soir ont en partie réparé cette injustice. Ce vaudeville franc et loyal est dans son genre une des plus grandes réussites de ces dernières années ».

1 Le Figaro Jean-Jacques Gautier
2 France Soir Jean Dutour
3 Quarantes carats comédie de Pierre Barillet et Jean-Pierre Grédy
4 Office radiodiffusion télévision française

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