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La vie à deux cents à l’heure

À vingt ans, Françoise est devenue un écrivain très célèbre et … très riche . Bonjour Tristesse l’un des principaux best-seller de toute la littérature française, fut tiré à plus de quatre millions d’exemplaire en cinq ans . L’argent pour son auteur n’avait guère d’importance en soi, il ne représentait qu’une monnaie d’échange .

Françoise le dépensait allègrement, bien qu’elle n’eut pas de vrais goûts de luxe . Les bijoux, les toilettes, les beaux appartements ne la tentaient guère. Seules les voitures de sport – Jaguar, Austin – la fascinaient . Elle distribuait autour d’elle les billets de banque comme des prospectus . Outre Florence Malraux, elle s’était constitué une bande d’amis : le jeune écrivain  Bernard Frank, le danseur Jacques Chazot, les chanteuses Juliette Gréco et Annabel, le compositeur Michel Magne auquel se joignait la plupart du temps Jacques, le frère bien-aimé . On passait les étés à Saint-Tropez puis en Normandie . L’hiver on fréquentait le cabaret Whisky à gogo de Régine . On faisait la fête . On s’amusait . On découvrait à la fois le bien-être que procurait l’alcool et les plaisirs incertains des jeux du casino . Un soir ayant gagné quatre-vingt mille francs au baccara, Françoise s’achetait sur le champ le manoir dont elle était locataire … On croyait être heureux et on se moquait du qu’en-dira-t-on : « On disait beaucoup de stupidités mais j’aimais mieux ça que si l’on m’avait vue en train de faire la cuisine . Rouler vite, boire du whisky, vivre la nuit correspondait chez moi à des goûts évidents. Alors j’ai décidé de porter ma légende comme une voilette » 1

En dépit de cette vie joyeuse et mouvementée, Françoise trouva le temps de se remettre à l’écriture . Son deuxième roman. Un Certain Sourire obtiendra lui aussi un franc succès .

… Et puis ce fut le drame …

Le 13 avril 1957, à 14h15, sur la route allant à Milly la Forêt, Françoise au volant de son l’Austin-Martin perdit le contrôle de sa voiture . Le bolide quitta la route et après deux tonneaux termina son périple dans un champ. Les trois passagers, Bernard Frank, le reporter Voldemer Lestienne et une amie Véronique Campion furent éjectés . Françoise, immobilisée sur son siège, reçut une tonne et demi de ferraille sur le dos. Inconsciente, une mousse rosâtre aux commissure des lèvres, elle fut transportée à la clinique de Neuilly . L’état de blessée semblait si désespéré qu’un prêtre vint d’office lui administrer l’extrême-onction. Le soir même , un gros titre s’étalait sur la première page de France-Soir : « Françoise Sagan : Pronostic réservé pendant quarante –huit heures ». La France tout entière inquiète était dans l’attente On n’avait pas oublié la mort du jeune James Dean, vedette du film La Fureur de vivre tué à vingt-quatre ans au volant de sa Porsche, l’année précédente…

Les médecins diagnostiquèrent un enfoncement de la cage thoracique, une fracture du bassin, et une double fracture du crâne . La douleur sera intense pendant plusieurs mois et pour la calmer les praticiens auront recours à la morphine.

Écoutant la radio dans sa voiture, l’éditeur Guy Schoeller apprit l’accident . Il se rendit sur le champ à la clinique de Neuilly et fit cette promesse  à Françoise : « Si tu guéris, je t’épouserai » .

Françoise était jeune, de bonne constitution, elle s’en sortit sans séquelles.

Après six mois de rééducation elle se sentit complètement guérie et, le 13 mars 1958, elle devint Mme Guy Schoeller à la mairie du 17ème arrondissement . Les époux souhaitaient une cérémonie intime, - ils n’étaient entourés que de quatorze invités - mais ils ne purent éviter la foule de photographes et de journalistes qui se pressait devant la mairie .

La différence de vingt ans d’âge n’ inquiétait guère Françoise . Elle avait une attirance pour les hommes mûrs . Intelligents, courageux, ils auront une place privilégiée dans ses romans . Néanmoins l’union ne durera qu’à peine deux ans . Guy aimait le monde, les relations, se levait à l’aube pour faire du cheval, avait organisé sa vie autour de son travail . Françoise avait vingt-trois ans, s’ennuyait dans les dîners d’affaires, traînait au lit le matin, écrivait quand elle en avait envie ... deux styles d’existence incompatibles. La séparation se fera sans heurts, les époux garderont l’un pour l’autre une grande estime et une profonde amitié .

En fait Françoise avait une vie privée « extrêmement agitée, mais parfaitement secrète » déclara-t-elle un jour lors d’un interview . Elle aimait … Que ce fut pour un ami ou pour une amie elle éprouvait parfois des sentiments très amoureux qui se cachaient sous le joli nom d’amitié . Mais elle était très discrète et ne s’afficha jamais réellement.

1 Françoise Sagan - une légende Jean-Claude Lamy éditions Mercure de France 2004

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